vendredi 26 août 2011

Perspectives et regards sur le travail de recherche littéraire de Kaloune

1. Biographie
2. Séga Bondyé Galé, son premier livre
3. Démarche et thèmes de prédilection
4. La nécessité de dire les textes


1.Biographie
Bercée par les chants de maloya traditionnels, sacrés ou profane de Danyel Waro ou du Rwa Kaf, puis de Bob Marley, j’ écris depuis l’âge de six ans. Des exercices
d’écritures alphabétiques tout simples, jusqu’au journal intime, je découvre la poésie créole au lycée, intriguée par les textes de Francky Lauret et la poésie de Patrice Threutard, poètes de renom réunionnais. Ainsi l’oralité, la musique, et l’écriture sont pour moi comme l’eau, l’air et la terre, juste complémentaires.

Je se mets à écrire des textes poétiques en créole à l’âge de dix sept ans, et trouve un
sentiment de libération dans l’écriture. Passionnée de littérature française, mes premières tentatives d’écriture en français se sont soldées par maints échecs. La libération que procure le créole, me mènera à me produire dans différents kabar fonnkèr où je parviens à partager mes émotions et mes textes.
Mon envie d’écrire, et de dire mes sentiments sur ma condition de jeune femme noire
Réunionnaise me pousse à écrire Séga Bondyé Galé, mon premier livre qui en somme vise une tentative de reconstruction de l’imaginaire réunionnais où la réalité de nos vies réunionnaise est sublimée.
En effet, j’ai a une conception décomplexée de l’écriture, qui selon moi doit être avant tout un média et non une fin en soi. Le texte crée est un tout autonome, parole, musique, chant et doit même se confondre au sentiment dans lequel il a été engendré.
C’est pour cette raison je donne vie, dans un spectacle intitulé Séga Bondyé Galé, aboutissement du livre, à un personnage clé Kalathoumi ,prêtresse poétique qui met en forme et chante ses sentiments, accompagnée d’un instrument magique la mbira qui lui permet de sublimer la réalité pour pénétrer dans un univers onirique.
C’est uniquement à ce moment là qu’elle entre en contact avec la nature et en particulier sa propre nature humaine.
A vingt cinq ans, je suis une jeune femme bouillonnante de créativité et est fière et heureuse de pouvoir présenter ses réflexions dans son premier
ouvrage Séga Bondyé Galé.
2. Séga Bondyé Galé, mon premier livre
Séga Bondyé Galé est mon premier ouvrage publié, grâce au concours des Editions K’A.
Les textes que l’on retrouve dans cet ouvrage sont des textes qui datent pour les plus anciens de 2003. Tous les textes sont empreints du sentiment d’une jeunesse forte, puissante d’un héritage extrêmement riche mais une jeunesse en latence, passive, soumise au temps,
A travers le personnage mis en scène dans le texte, nait un personnage fictif qui est peut être celle que ces jeunes attendent, Kalathoumi, la prêtresse de la poésie parle pour ceux qui n’ont pas pu le faire lorsque leur bouche parlaient encore.
J’ ia donc pour visée de faire parler les « sans voix », ces femmes notamment qui sont les gardiennes de notre patrimoine mémoriel. Ces femmes gardiennes de notre identité.


3.Thèmes de prédilection
Mes thèmes de prédilection sont nombreux. En voici quelques uns …
La femme, l’histoire et la mémoire
La femme, est l’élement central du livre. Cette femme et ce personnage clé s’appelle Kalathoumi, c’est elle qui est la gardienne, de la parole de femmes qui sont mortes sans pouvoir partager la parole de leur temps. La femme est vue comme une personne magique qui façonnerait la mémoire de sa progéniture.
Par conséquent chaque parole de femme correspond à une vision d’un temps, porteur d’une mémoire particulière.
Kalathoumi représente notre époque actuelle mondialisée. Princesse Sakalav, sa mère la période de la départementalisation.
La grande dame Ravalone, la période de la colonisation. Coco la misère, grande mère de la terre, ce temps avant la colonisation où la vision de l’Afrique, onirique est sublimée.
La spiritualité
Kalathoumi communique par la télépathie avec ses autres femmes de sa lignée, prêtresse de la parole, elle entretient un lien privilégié avec l’invisible et l’indicible. Ce qui m’intéresse en fait est d’évoquer ce phénomène de communication avec l’au-delà à travers lequel la transmission de la mémoire est possible lorsqu’elle ne l’a pas été lors du vivant du personnage. On peut aussi noter une transmission du haut vers le bas, mais également du bas vers le haut, où la jeune Kalathoumi rend compte à ses ancêtres de l’état actuel de la famille.
Ce qui me semble intéressant à aborder est une approche du sacré tout simplement à travers la symbolique de l’eau, et la danse notamment.
L’eau, rappelle le caractère insulaire de l’île et le rapport que l’être humain peut avoir avec la nature. Pour moi, la route de l’esclave, donc du réunionnais suit le chemin des fleuves, donc de l’eau. En même temps, l’eau revêt un caractère symbolique car l’eau a un aspect purificateur. Dans la symbolique de l’eau on peut remarquer une antithèse. Le bourreau de l’esclave est en même temps son sauveur. En tout cas , c’est selon ces perspectives que j’ oriente mon rapport à l’eau, comme thématique.
En ce qui concerne mon rapport à la danse, celle-ci est omniprésente dans l’ ouvrage, dans son titre Séga Bondyé Galé mais également dans chaque titre des poèmes du recueil.
Toujours dans une optique de célébrer une culture qui n’a pas été mise en valeur, Le maloya et le séga notamment, j’ai voulu retranscrire l’esprit du maloya dans le texte.
Chaque poème est vu comme une prière, une incantation, ou comme un chant sacré dont le but est de restituer l’harmonie entre les vivants, Kalathoumi , princesse sakalav et les morts. C’est à travers la danse ( transe ?) que cette harmonie est possible.
L’imaginaire
Une autre thématique est la question de l’imaginaire. Dans la dernière partie du recueil intitulée Mgodro, j’ai tenté de construire un univers imaginaire réunionnais où différents symboles ethniques et culturels d’origine européenne, indienne, malgache africaine se croisent dans le même lieu.
Sakalav i dans ek Maradja
Jako i dans pi Maloya
E mwin mi tcha cha cha

Enfin, la langue en ce qui concerne l’ expression poétique se trouve totalement libérée grâce à l’utilisation du créole. Même si l’ouvrage est bilingue , et doc en français également.
Ce qui importe , c’est le son, le son d’un mot, d’une phrase, d’un proverbe. Ce qui est important, c’est que la phrase sonne comme une mélodie, comme une musique. Je ne recherche pas forcément de belles phrases et lire à formuler, mais cherche à redonner une seconde vie aux mots et à la prosodie de la phrase poétique à travers la musicalité d’une phrase d’où la nécessité de dire le texte.

4. La nécessité de dire les mots

Le spectacle Séga Bondyé Galé, n’est que la continuité du livre. Il apporte un rapport plus sensoriel à l’univers de notre personnage clé. Séga Bondyé Galé est une invitation à pénétrer dans le monde magique de Kalathoumi , prêtresse de la poésie ,où le temps s’est arrêté. C’est une invitation à croire en ses rêves et à croire en Dieu, et à identifier le divin qui est en nous.
Dans ce spectacle, Kalathoumi chante Séga Bondyé Galé, ces textes poétiques que l’on retrouve dans son recueil. Ces textes sont la mémoire des femmes réunionnaises qui fondent notre identité. Ces textes laissent transparaitre la beauté, la puissance de la femme telle qu’elle est perçue à travers Kalathoumi.
Kalathoumi retransmet la parole des femmes en chantant, en déclamant ses textes mais également en jouant le mbira, instrument sacré, grâce auquel elle entrera en contact avec le divin.
C’est la performance vocale et musicale, qui lui permet de sublimer le réel et de créer une atmosphère propre à son univers poétique.

jeudi 27 mai 2010

Kalathoumi èk la vi II

Flash lights

Toute sa vie, elle avait cru que cette enveloppe charnelle l’enrobait, et que son corps était cette matière substantielle qui lui permettait d’être.

De la lumière au trou noir, entre ici et là bas…

Entre le bien et le mal, il n’y avait qu’une passerelle, une tourterelle, une sauterelle, une coquerelle. De la lumière au trou noir, elle dansait avec l’innocence d’une enfant.

Toute sa vie, elle avait cru que cette enveloppe charnelle l’enrobait, et que son corps était cette matière substantielle qui lui permettait d’exister.

Elle ne savait pas comment faire pour danser de l’obscurité vers la lumière, de la lumière vers l’obscurité, mais elle secouait sa calebasse et faisait vibrer ses épaules et chavirait.

Ses rêves n’avaient pas de fin. Sa quête vers l’amour, vers la quintessence de son âme s’élevait au contact des sphères inconnues de la chair.

Et son esprit aussi rapide que la lumière, voyageait, transcendait le monde, à la rencontre d’esprits comme le sien.

Son corps intangible, elle était ici et là bas, présente puis absente ; invisible matière.

Je erre dit- elle, dans cette fumée nauséabonde où je suis reflet du brouillard. Nous avons cessé d’être esclave de Bourbon en 1848. ET nous continuons cette lente dégression vers notre propre disparition.

Je ne suis plus corps, fumée mais brouillard...Métaphore du vent, je puise ma force dans l’âme, l’absurdité de l’amertume, les inconsistances du corps et la trivialité de la vie.

Métaphore du vent, je veille le jour comme la nuit, où sereine, je m’avance comme une reine dans l’arène obscur de la vie, où je brille et rayonne par mon éclat aussi puissant que le soleil que je défie.

Flash Lights

Kalathoumi èk la vi

Le bien et le mal se donnent à l’un et à l’autre raison, arbitrairement. Le bien rigole lorsque le mal lui caresse les cuisses, et remonte plus haut le long de sa jambe. Le mal fait tellement de bien au bien, que le monde ,s’il n’y avait que bien et mal ne saurait se retrouver. Il y avait le plaisir de la chair, le plaisir de l’âme, celui de l’élévation de l’âme comme le cri matinal du coquelicot nouveau.

Un pas de plus dans cette danse de la calebasse ou le miroir des bassesses de la vie, s’agenouillait et faisait danser ses épaules pour dire au monde : je n’ai pas choisi de vivre ta vie. Je n’ai pas choisi d’être comme toi. Je suis le brouillard, la fumée, le cigare qui te procure ce plaisir et te bouche le poumon et les artères.

Elle avait choisi d’être libre et polluer comme cette fumée, non pas la nature mais le monde de ses envies perverses, de ses envies malhonnêtes, de ses envies naturelles. Elle avait envie d’être elle même aussi puissante que le soleil, créateur de la vie.

mercredi 14 avril 2010

Néna fénwar dann kalver

I
NENA FENWAR DANN KALVER!

Je néna la tête sur les épaules et les doigts trempés dans du lait!
In so i rante pa dann in vaz.
Mwin lé sovaz!


J’aime et je haie tout sur mon passage.
Un volcan, un cyclone...
A mwin, Kalathoumi, passe comme la foudre et enfante le jour!

Isi la jole, na pwin la tole!
Isi la jole, i mange pa tang !
I koup kann ek la sab « R.M.I » !

Dann mon kalver,
Dann mon salverte,
Mi shante Britney Spears
« I’m a slave for you ! »

Mon lavenir lé in brouète, i charoye
Sekré, sekré mon passé!
Mwin néna in sekré.
Tout domoune néna sekré.
Sekré ? Sekré Verger ?! Secret Polpot ?!
Secret Sarda, secret kissa?


J’ai la tête sur les épaules et le cœur allongé.
Et mon silence se prolonge.
Alors, dois-je mentir à la foule! Qui suis-je? Who do I follow?
Who am I??


Who do? Voodoo... Voodoo!
Vou moune dou vou?

Té a ou, vazabé!
Ou krwa ma pér babouk?
Dann mon soubik, mwin na mon sabouk,
Kossa ou atann, souk!




Qui suis-je ? Une négresse?
Une kafrine, une poétesse ?
Une menteuse ? Une voleuse, une sorcière ?
In lombiass? In pousari? In devinér?
In volér?

Mon lavenir lé dann in brouète.
Li charoye sekré, sekré Polpot, sekré sapote!
Sekré mon passé!

Dann mon brouète, an misouk,
Na boug, an babouk,
I rèv, I souk zot vi!

Dann mon kalver, dann mon salverte,
Néna mantér, néna volér, néna sorsièr, na devinér !
Zot toute la tomb dann Trou d’ Fer !